On rêve de voir le monde, de sentir la mer, d'entendre les mouettes, de goûter aux insectes grillés. On se jure de se tenir la main lorsque l'angoisse sera trop forte, on se promet de ne pas craquer, de ne pas revenir en chialant. On compte nos petits sous, on fait divers calculs, on regarde la vie là-bas et puis un appartement ici. On pense à tout. Tout sauf aux autres pour une fois. Nous sommes égoïstes, cavaleurs, chercheurs de joies et de bonheur éparces. On chahute notre destin, on boulverse notre avenir. On crache à la gueule de cette vie tiède que nous offre nos parents, on envoie valser ses petits rêves de pacotilles. On rit lorsque notre corps ne tremble pas de peur, on rit d'avoir l'audace de le faire. Lorsqu'un hésite, il rassure l'autre. Mais finalement, on ne se promet pas de partir, ou de rester. Elle et moi, on est des gens comme ça, au milieu de rien, le corps ici et la tête là-bas. C'est tout ce qu'on sait faire. Utopistes à deux balles avec le coeur gros comme un roc et une chair de granite. Alors lorsque l'air se fait trop apre, quand les arbres semblent moins vert, on se retrouve au milieu d'un terrain de foot, musique de fond, clopes à la bouche et là on se jure droit dans les yeux qu'un jour, on le fera pour de vrai. Parfois, nos ébats féériques tiennent quelques heures, mais cette fois-ci, cette fois-ci nous étions si proche du but, si proche de prendre notre envole. Simplement, on ne peut pas partir, pas ensemble. On ne pourra pas se tenir la main lorsqu'il fera trop froid, on ne pourra pas se serrer lorsque l'angoisse sera trop forte. On ne sera pas apte de refaire sa vie de peur de blesser l'autre. Alors généreusement, je range mes petits sous, déchire les feuilles de calculs, et rentre chez moi ne lui laissant qu'un sourire maladroit comme excuse pour avoir ébranlé à nouveau son existence.